LES CADRANS SOLAIRES DE LA VALLEE DE L'UBAYE

 

 

Ainsi que nous l'expliquons en annexes, des adhérents de notre Association se sont- après d'autres- lancés à la "chasse" aux cadrans solaires de la vallée pour en étudier les devises, les photographier, en faire l'étude.
Quelle ne fut pas la surprise de nos "chasseurs de cadrans" de découvrir que la vallée constituait une véritable "réserve". Si l'on songe que beaucoup de ceux-ci ont dû disparaître au cours des ravalements, il faut supposer que la plupart des fermes possédaient le leur ; de même les monuments des villes (nous avons connu celui du clocher de l'église de Barcelonnette). Cela tient-il à ce que les pendules "comtoise" n'ont que tardivement pénétré dans la vallée ? N'est-ce pas plutôt qu'en une région qui s'enorgueillit de 300 jours de soleil par an, on devait tout naturellement s'adresser à lui pour obtenir l'heure.
Une étude stylistique et épigraphique de ces cadrans est rendue difficile du fait que beaucoup ne portent pas de date et que ceux qui sont datés ont souvent été restaurés. C'est pourquoi nous limiterons nos commentaires aux "grosses" remarques qui nous paraissent s'imposer. Le classement que nous proposons doit être pris pour très approximatif.
Sous ces réserves, nous souhaitons que cette étude aide ceux qui parcouront les photographies des cadrans et leurs inscriptions, à retrouver, par delà un manifeste "esprit de clocher", l'esprit de leurs différentes époques, tant dans le goût de la décoration que dans la manière d'appréhender le temps... et la vie. Quelquefois, moment privilégié, le passage d'un cadran au suivant sera pour eux la saisie directe, le vécu, d'un événement essentiel de notre histoire.

 

CADRANS DU 18 ème SIECLE - SIMPLICITE ET GRANDEUR

 

Mis à part celui de la ferme de la Rente (6), nous n'avons pas de cadran daté du 17 ème siècle. Encore faut-il observer que cet unique exemplaire est très restauré et que la date en question n'est que celle de la maison. L'inscription "gavot l'es pas qu vouo" (montagnard ne l'est pas qui veut) proverbe et devise tardive de la vallée, date probablement de sa restauration par Mr Couttolenc (le dialecte de la vallée n'apparaît sur les cadrans, on le verra, qu'au 20éme siècle). De même certains éléments du décor. D'autres, par contre, repeints et complétés (étoiles, rubans) se retrouvent à la fin du 18éme siècle. Les rinceaux, l'inscription "fugit tempus" (le temps s'enfuit) font même penser à la fin de ce siècle ou au début du suivant.
C'est une grande simplicité, liée à l'ampleur du dessein qui caractérise les cadrans du 18éme siècle. En général les heures sont disposées sur un carré. Quelquefois, notamment à partir du milieu du siècle, dans une couronne circulaire excentrée par rapport au pivot de l'aiguille. L'ornementation, souvent réduite aux éléments utiles : cadre, rayons issus d'un soleil, d'un croissant ou d'une étoile ( à six branches dessinées au compas), est toujours très sobre : crosses terminant le cadre des heures, bandeau à volutes. Les inscriptions (latines) ont une vocation religieuse : si la mort est évoquée, c'est afin qu'on s'y prépare.

-N° 1 Barcelonnette (maison Paul Reynaud) 1739 "Ora ne te fallat hor" (prie pour que l'heure ne te prenne pas au dépourvu). Il faut évidemment lire hora (jeu de mot entre ora et hora).

-N° 5 Bouzouliére 1739 cadran gravé signé "Lesieur Sébastien Proal"

-N° 2 Barcelonnette (Le Verger) 1752.

-N° 4 Jausiers (Eglise, qui possède deux cadrans). Cadran peint très soigné rattaché à cette série par son style. La caserne posséde un cadran postérieur.

-N° 3 St-Barhélémy 1765 "Ultima latet" (La dernière se cache). Peut-être faut-il rattacher à cette série le cadran n° 32 non daté. La notion de "fuite du temps" n'est cependant pas de cette époque.

-N° 7 Barcelonnette 1752 (Pierre aux carelets, maison Cornille). Le cadran est dans une niche. La peinture représentant deux canards peut être postérieure.

-Notons que l'inventaire de Mr Gavot signale aux Mats (maison Ed.Caire) un cadran de 1739 avec écusson fleurdelysé surmonté d'une couronne "Nostra latet ultima" (Notre dernière se cache).

 

CADRANS DE LA FIN DU 18éme SIECLE ET DU DEBUT DU 19éme - CADRANS ORNES ET FUITE DU TEMPS

 

Mises à part quelques œuvres de transition, cette période ne retient de la précédente que le "parti" du cercle horaire décentré. D'abord simple bande circulaire où s'inscrivent les heures, celui-ci prend la forme caractéristique d'un ruban ou d'un cadran ouvert. Pour la première fois apparaissent des chiffres arabes.

Dés la fin du 18éme siècle, la décoration d'étoiles se généralise et devient abondante (semis d'étoiles à 7 ou 8 pointes), les crosses sont mieux dessinées. Elle devient, dès le début du siècle suivant, nettement directoire, s'enrichissant d'un cadre de fins rinceaux et de palmettes, donnant lieu à de délicates œuvres d'art. Plusieurs cadrans de la Haute Ubaye s'ornent d'une fleur finement stylisée (œillet de montagne ?). Les couleurs apparaissent (ocre, gris-bleu et brun).

Les inscriptions, où pour la première fois le français est utilisé, sont souvent profanes (maximes), voire païennes ou influencées par l'épicurisme voltairien. Leur style emphatique, grandiloquent, engage parfois un dialogue avec une nature personnifiée. Elles expriment, ce qui est nouveau, l'angoisse devant la fuite du temps et appellent à profiter de l'heure présente "L'heure passe cueille le jour". Si l'on pouvait sans risque d'erreur, attribuer à cette époque la légende (non daté) de la ferme Pissevin (Barcelonnette) "Soli Soli Sole" (lire Soli - Au seul soleil de la terre) on aurait là un bon spécimen de l'esprit matérialiste et libertin du siècle des lumières (A moins que, plus ancienne, il s'agisse de la devise appliquée, dit-on, à Louis XIV). Déjà, pourtant -épisodiquement- certains cadrans du début du 19éme siècle, au décor inchangé, traduisent par leurs légendes le renouveau post-révolutionnaire du Christianisme. "Le Génie du Christianisme" de Chateaubriand est de 1804.

-N° 8 Maurin (La Barge) "Time Latet M.A. ... 89 (Tremble, elle se cache). Tout ici est encore dans l'esprit de l'époque précédente, mais la décoration est plus riche (étoiles, rayons ondés imitant le fer forgé des rampea, crosses massives, couleurs).

-N° 10 Méolans (maison Chauvet) 1773 "Donnez-moi le soleil, je vous donnerai l'heure". Le cadran, très restauré suggère les "montres molles" de Dali. Seuls, le cadran décentré, les étoiles (interprétées) rappellent le siècle. Les chiffres arabes, la légende profane en français sont nettement postérieurs. A noter la graphie des N dans "DONNERAI".

-N° 9 et 12 Le Melezen (maison Charles) 1801 I.D."His utere unam time" (profite de l'heure présente, mais crains-en une). Bien que privilèges et distinctions féodales soient abolis, le propriétaire du cadran n'a pas dédaigné de coiffer celui-ci du heaume des chevaliers surmontant un château fort ou un édifice. Ce propriétaire pourrait être une communauté.
Jean Gavot signale au Melezen (hameau des Molles, maison Creveri) la devise (voisine de la précédente) "His autem time unam" (de celle-ci crains en une).
On a recensé deux cadrans restaurés (1772 et 1775) à Entrehaut, un autre de 1809 au presbytère du Melezen, enfin dans l'esprit du 18e siècle finissant l'inscription à Meolans (Les Besses, maison Lebre) "Fugit ora carpe diem" (il faut lire hora - L'heure passe, cueille le jour).

-N° 15 Tournoux (presbytère) cadran exceptionnel par ses inscriptions. "Andeas (pour andreas) Chaurand, sacerdos prior et beneficiarius, annonario jure praeditus Eclesiae (pour Ecclesiae) cathedralis Forojuliensis prinxit" "Anno D.N.I. 1801". (André Chaurand curé et bénéficier, ayant droit d'annone, et rattaché à l'église cathédrale de Fréjus a peint ce cadran "Année du Seigneur 1801). Le droit d'annone, terme de droit romain, désignait peut-être ici le privilège consenti au curé de Tournoux de percevoir sous forme d'offrandes "en nature" le "denier du culte". Les titres du curé sont peut-être le souvenir d'une époque où la Vallée était rattachée à Nice (La viguerie de Barcelonnette était de 1536 à 1569 le 2e vicariat de Nice), ses paroisses au diocèse de Fréjus. La devise (religieuse ce qui est normal pour un presbytère) "Suffit una tibi" signifie : une seule compte pour toi.
Par contre les deux alexandrins à la base du cadran sont bien dans le style pompeux de l'époque et s'inscrivent dans la vision anthropomorphique que l'antiquité païenne - et le 18e siècle -avaient de la nature :

"Sur un char élevé et couvert de lumière"

"Je viens régler tes pas et finir ta carrière"

Ils sont du même auteur que l'inscription latine :

CD PR Di = Chaurand Presbyter Domini (Chaurand prêtre du Seigneur).

-N° 11 Foullouse (maison Risoul) 1808 (signalé par Pierre Martin Charpenel " comme coupé en deux par une réfection de façade ") " Mortel sais-tu à quoi je sers ? A marquer les heures que tu perds " signé ARMA ELOUX (lire Armand Peloux, patronyme fréquent dans la vallée) encadrant un écusson. Décor d'œillets de montagne.

-N° 14 Fouillouse 1805 même inscription que ci-dessus ( ainsi qu'à la Petite Serenne). L'effet de voisinage est évident, mêmes rayons, même cercle ocre, mêmes rinceaux sortant d'un même vase. L'inscription W.S.D est obscure : Décor d'œillets.

-N° 13 Tournoux 1817 " Mortel, je règle ta carrière, cette heure peut être ta dernière (rappel de 15, effet de voisinage) Décor d'œillets stylisés.

-N° 16 St Ours " homo fugit velut umbra " (L'homme passe comme l'ombre). Décor très directoire.
Nous pensons devoir joindre à cette liste les cadrans recensés par Jean Gavot, notamment ceux détruits de Meyronnes.- A St Paul (maison Faure) " Aeterna ut ferum et haec velut umbra fugit " (Eternelle comme le fer, celle-ci fuit comme l'ombre).
- A Meyronnes (maison Cordon) " Sans le soleil je ne suis rien, et toi sans Dieu, n''uras aucun bien" "1807 (exemple du renouveau chrétien). Sur la maison Donnadieu " Hora est de sommo surgere. Expecta solem et videbis horam " (devise inhabituelle - C'est l'heure de sortir du sommeil). Attends le soleil et tu verras l'heure - non daté. " Fecit Gaetana " 1809 avec l'inscription J.J.D. Enfin (maison Remy Thome) " Sans soleil je ne suis rien " de 1819, (le " bouquet aux angles " devait ressembler aux fleurs décrites plus haut) et une devise " nous couronnons phébus le dieu de la lumière, le mentor des mortels, l'âme de la matière " était dans l'esprit païen de la fin du 18e.

 

CADRANS DU 19ème SIECLE - Compositions solennelles.

 

Après les tâtonnements du début du siècle, dès l'empire, c'est moins une décoration des cadrans que l'on observe, que l'introduction de ceux-ci - leur utilisation - comme motif d'une composition artistique. Ainsi, les voit-on dessinés sur une fausse draperie suspendue à la manière des cantonnières Empire avec, selon le goût de l'époque, cordons et glands. D'autres fois, il s'inscrivent dans un " ordre " architectural comportant frontons, pilastres surmontés de vases etc.
Avec quelques années de retard, le style des cadrans suit celui des différents régimes politiques qui se succèdent dans le siècle : majesté impériale, religiosité Charles X, lourdeur IIe empire, décontraction républicaine (éventuellement laisser-aller). Les inscriptions font moins références à la fuite du temps qu'à la vanité de la vie. Le renouveau signalé au début du siècle se généralise et la mort est présentée comme un but et sanction de la vie.
Les cadrans solaires gravés sur ardoise se multiplient donnant lieu à une décoration au poinçon traduisant admirablement le style "  A la cathédrale " Charles X.

-N° 17 Les Saniéres (maison Graugnard) 1821 " homo fugit velut ombra " (lire Umbra-L'homme passe comme l'ombre) " fecit Gaetta (probablement Gaetana comme plus haut). La couronne de laurier, la draperie ont gardé la majesté et la rigueur de l'Empire ( on pase au décor des pièces de monnaie). Il en sera de même pour les cadrans 18 et 21. Les Davis possèdent un cadran de 1838 signé B.I.

-N° 18 St Barthélémy (cimetière) 18.6 " Salus pendet ab una " (Le salut tient à une seule). Autre cadran non daté à l'église.

-N° 21 Les Thuiles (église) " Je passe et je reviens, tu passes et ne reviens pas ".

-N° 20 St Pons (Lara) 1828. Cadran simple et forme classique, fronton peut-être restauré. Chiffres arabes " Tu es suivi de la mort comme l'heure de l'ombre ".

-N° 24 Jausiers ( Les Mats, Léon Bosc) 1842. Cadran gravé sur ardoise et incliné " Ibit homo in domum aeternitatis suae " " Giraud Jean " (L'homme ira dans la demeure de son éternité). Ce cadran remarquable par la richesse et la finesse du décor se développe autour d'un croissant qui renferme un paon (26) symbole chrétien d'immortalité (On croyait sa chair incorruptible) et illustration de la légende. Les palmiers pourraient symboliser l'orient, berceau du Christianisme. Cette décoration comme celle du cadre " fouillé "fait de rosaces et d'ogives (25), spécimen du style " à la cathédrale " Charles X (1824-1830) est réalisé au poinçon - trous et traits - Les tracés des inscriptions et du dessin du pain, admirablement stylisé, sont profonds, harmonieux et sûrs (25 et 26)

-N° 19 La Conche d'Enchastrayes 1854. Forme classique du cadran, inscription en latin approximatif " da mihi solenet hora dabo (Lire da mihi solem et horam dabo - Donne - moi le soleil, je te donnerai l'heure) J.P.A.
Comme pour les cadrans 20 et 24 le décor empire est abandonné, le classicisme reprend ses droits
- St Paul possède un cadran de 1852 avec croissant, un autre non daté à la ferme Promatour, un autre délavé.

-N° 22 (Maurin) et 23 (Petite Serenne). Les cadrans, voisins dans l'espace et aussi dans le temps (respectivement 1860 et 1888) se ressemblent par le fond : Encadrement à fronton de même forme surmonté de deux mêmes vases et de l'emblème français (A Maurin c'est un cadre continu alors qu'à Serenne c'est un entablement classique avec pilastre). Mêmes draperies suspendues aux cinq mêmes pitons au-dessus du soleil et de la lune. Pourtant, tout est changé ; Le lourd relief doré de Maurin est remplacé par une fresque légère d'allure détendue, voire négligée, et, ce qui a pour valeur d'un document d'histoire et confère à la juxtaposition des deux cadrans une singulière intensité de vie, c'est la substitution de l'humble coq républicain, légèrement ébauché, de Serenne au massif aigle impérial de Maurin. Entre 1860 et 1888, la révolution de 1870 est passée. Le cadran de Maurin porte l'inscription " L'homme passe comme l'ombre ". On est tenté d'ajouter " Les régimes aussi ".

On citera pour mémoire les cadrans recensés par Jean Gavot
A Meyronnes 1839 " Le rayon de lumière émanant de la marque "

" Indique à chaque mois les signes du zodiaque "

" Et tu peux voir aussi guidé par ce rayon "

" Le beau jour où répond la transfiguration ".

 

CADRANS DE LA FIN DU 19ème SIECLE ET DU DEBUT DU 20ème - DIVERSITE ET CLASSICISME

 

Ces cadrans rompent avec la décoration riche et abondante de l'époque précédente. Assez curieusement on retrouve des formes anciennes interprétées avec fantaisie.. mais lourdeur. Les couleurs sont froides. Certains cadrans restaurés pourraient être plus anciens que l'indique leur date, d'autres non datés plus anciens que nous pensons.

-N° 2 Le Puy de Rioclar (1858). Ce cadran (restauré) renouvelle ... et interprète, ainsi que le n° 10 et 27, le style " montre molle ".

-N° 27 Les Clarions 1876 - 1969. " Sine sole nihil sum " (sans soleil nous ne sommes rien) [maison Olivier Jean signé Collomb Marcel]. On retrouve cette légende à Rioclar bas (signé Roux), au Villard (signé Maurel) et une formule assez proche " Sine sole nisi sunt " (sans soleil rien n'est - lire nihil), aux Thuiles. On note ici encore un effet de voisinage ".

-N° 29 Faucon (église) 1878 " Hac rite utemdo extrema para faustam " (En utilisant comme il convient l'heure présente, prépare - toi une fin heureuse).
Cette inscription en latin recherché est un témoignage supplémentaire de l'érudition de l'auteur du cadran qui indique l'avance sur Paris, la latitude, la longitude, l'altitude, la déclinaison.

-N° 30 Faucon (monastère) rénové, de forme classique " A chaque heure crois et espère ".

-N° 32 St Barthélémy (presbytère) " home fugit ut umbra " (l'homme passe comme l'ombre ). Pourrait être plus ancien. Inscription identique à St Ours " M.I. "

-N° 31 Fouillouse 1903 M.A.

-N° 35 Lans, petit cadran circulaire, sur ardoise gravée d'un soleil, pourrait être plus ancien " Fuit Ombra " (L'OMBRE a été - il faut lire Fugit Umbra, double erreur du réalisateur).

-N° 36 St Paul ( Pont de Lestretch ) maison Signoret " yo vado e...o giorno tu enderaï et non retorneraï " (Je vais et reviens chaque jour, tu vas et ne reviens pas ). Ce cadran orné dé une fleur de lys, remanié plusieurs fois, peut avoir une origine ancienne. L'inscription en italien n'est cependant pas une référence à l'appartenance - avec le Piémont - de la vallée à la Savoie, car même à cette époque on n'y a jamais parlé italien. On doit plutôt penser à son nouveau propriétaire ( ancien combattant français ) d'avoir entouré le cadran de tricolore. Telle est l'originalité de ce dernier : regrouper sur sa surface l'emblème de nos rois, les couleurs de nos républiques ... et une légende en italien.

-Un cadran non daté de St Paul (maison Imbert ) porte l'inscription " Fulgetur justi sicut sol in regno patris eorum " ( Les justes étincelleront comme le soleil au royaume du Père ).

-N° 33 Villard de Faucon ( école ) ardoise gravée inclinée.

-N° 34 Les Allemands.
Nous pouvons ajouter ( cité par Jean Gavot ) : A Peynier maison Meyran 1908, un cadrant à la devise inhabituelle " Bien faire et laisser dire. Bien dire fait rire. Bien faire fait taire ".

 

CADRANS CONTEMPORAINS - Eclectisme absolu et ... folklore.


On trouve tout dans ces cadrans, aussi bien concernant le style que la légende. Certains recopient d'anciens modèles, d'autres ne veulent exprimer que la rationalité moderne. Un fait surprenant cependant est la tardive apparition du dialecte valéïan lié à une certaine affectation de " parler populaire ". Cela peut s'expliquer par la considération dans laquelle le " patois " était tenu, notamment dans les écoles de la République lorsqu'il était encore langue maternelle et par sa subite et récente réhabilitation dès lors qu'il n'est plus un concurrent pour le Français et relève du folklore.

-N° 37 St Pons ( Lara ) 1962, peut-être 1899.
Style du 19e siècle.

-N° 38 Idem 1936, peut-être plus ancien. De style néoclassique avec fronton exagérément haut " Faï toun camin badaou, l'oura passa " (Fais ton chemin badeau, l'heure passe ). Badaou ou badaïre signifie plus exactement celui qui baille aux corneilles. Même inscription à St Pons village.

-N° 41 Jausiers ( Mr Briot ) 1972 " infestam odi umbram " ( je déteste l'ombre funeste, ou néfaste ). Cadran gravé.

-N° 39 Lans (église " Vos pastor me sol regit " ( le guide pour vous c'est le pasteur, pour moi c'est le soleil ) " Année sainte 1975 " (réfection par Mr Fortul ).

-N° 40 St Pons village " Faï toun camin...etc."

-N° 43 St Paul (dessein moderne) " La dounou buona, la dounou maria " (Je la donne, bonne, je la donne mauvaise).
Dans le même esprit, Jean Gavot a relevé à Maurin ( maison Olivier Touiet la devise " Je suis pendue à la muraille pour enseigner l'heure qu'il est aux brave gens de la canaille ".

-N° 42 Bouzoulières (moderne). L'aiguille est fixée sur une " lauze " servant de cadran. Il s'agit de l'espèce de soc en fer avec poignée servant d'arrêt d'eau dans les " beals " (canaux d'irrigation). La réhabilitation du folklore apparaît ici.

-N° 45 La réglette est dans l'esprit " scientiste " du siècle.

-N° 44 La Lauze (maison Vergnes). Ce cadran, gravé sur ardoise, très détérioré, ne mériterait pas mention s'il n'était gravé à l'envers (comme pour l'hémisphère sud ou pour une position horizontale. On s'étonne après cela que les gens ne soient pas à l'heure pour leurs rendez-vous !


Cette promenade dans la vallée (et dans le temps) à la découverte des cadrans aura montré, s'il en était besoin, la richesse de sens que peuvent receler les objets les plus " insignifiants ". On s'en souviendra chaque fois que pour des raisons de nettoiement, de modernisation, on sera tenté de détruire des œuvres du passé.

 

ANNEXE 1

RESTAURATION DES CADRANS SOLAIRES

Le caractère artistique de nombreux cadrans qui mettent en valeur une façade, le regain d'intérêt manifesté aujourd'hui pour l'habitat traditionnel lié au désir de conserver notre " mémoire locale " nous ont encouragés à rassembler succintement ici quelques éléments d'information technique concernant la restauration des cadrans.

Celle-ci réclame précaution et précision. Aussi exige-t-elle que soit effectuée d'abord une enquête sur l'état de conservation tant de l'enduit support que du dessin et des couleurs. Cette enquête devra se référer à l'état originel du cadrant et délimiter notamment les entorses faites au style au cours de restaurations anciennes.

Il sera alors procédé à une consolidation (trous bouchés, cadran débarrassé d'adjonctions déplacées, fixation de l'enduit ancien par injection de colle lorsqu'il est partiellement détaché du mur, éventuellement fixation mécanique).

On pourra alors restaurer la décoration. Le travail s'effectuera en se référant aux parties bien conservées et en traitant seulement les fragments usés par le temps, en tenant compte de l'aspect général et de son environnement et sans jamais " repeindre ".

Les matériaux utilisés seront choisis d'abord pour résister aux éléments extérieurs, ensuite pour s'identifier à ceux originellement utilisés. Si l'on excepte les cadrans gravés sur ardoise, fréquents en Ubaye, la décoration était réalisée par une peinture à la chaux (pigment et lait de chaux) appliquée directement sur le mur enduit.


Il suffit de jeter un regard sur les cadrans que nous avons présentés, lesquels témoignent souvent avec intensité et par leurs détails du goût de leur époque, pour comprendre qu'un spécialiste sera souvent indispensable pour " reprendre " un cadran sans erreur de style, sans anachronisme choquant.



ANNEXE 2

QUELQUES NOTIONS POUR COMPRENDRE ET CONSTRUIRE LES CADRANS SOLAIRES


L'usage de repérer les " moments " de la journée d'après l'ombre portée par un objet (arbre ...) éclairé par le soleil remonte très loin dans l'histoire de l'humanité. Si le soleil décrivait chaque jour dans le ciel une orbite (apparente) fixe, l'ombre portée par un style sur une place quelconque permettrait de définir en un lieu de tels repères journaliers valables en tout temps. Or ce n'est pas le cas, le soleil " passant " plus au nord ou au sud selon la saison.

On est alors conduit, pour fixer de tels moments, à définir, pour un lieu donné, une " heure solaire " par le méridien à l'aplomb duquel se trouve le soleil (plan passant par l'axe terrestre et le soleil).Ce dernier pouvant être plus au nord ou au sud.

Il suffit de disposer le style -l'aiguille du cadran- parallèlement à l'axe terrestre pour que son ombre définisse à quelqu'époque de l'année que ce soit, l' "heure solaire " du lieu. En effet, le soleil et l'aiguille d'une part, le soleil et l'axe terrestre d'autre part, forment alors deux plans parallèles. La trace du premier sur le cadran est l'ombre de l'aiguille. Le second définit l'heure solaire du lieu. A ombre donnée, heure solaire définie.

On dispose le style selon l'axe terrestre soit en l'orientant vers l'étoile polaire, soit en le dirigeant vers le nord géographique et en lui imposant avec le plan horizontal un angle égal à la latitude du lieu, environ 45° pour la vallée. Le nord géographique peut se repérer au moyen de la boussole (angle avec le nord magnétique donné par la " déclinaison " potée sur les cartes).
Il peut se définir aussi par la direction du sud (soleil au plus haut).

Le cadran est gradué en marquant midi en face de l'ombre de l'aiguille lorsque le soleil est au plus haut. Une horloge réglée pour marquer le jour solaire (même indication : 12h pour deux " midi " consécutifs) permet d'étalonner le cadran. Les heures " entières " correspondront aux positions du soleil au dessus de 24 méridiens équidistants à partir de celui du lieu : ...10 11 12 1 2 ... Elles définissent dans la journée solaire 24 tranches de temps également réparties .

La position du plan du cadran est indifférente (horizontale, verticale, dirigé vers l'est...) sauf que placé face au sud ou horizontal, il capte le soleil de son lever à son coucher.

Le cadran solaire donne avec rigueur pour un lieu l'heure solaire. C'est un instrument qui repère la position du soleil sur son orbite apparente, les étapes équidistantes d'une journée. Ce n'est pas un instrument de mesure du Temps. En effet, la durée du jour -et de l'heure- solaires varient au cours de l'année du fait que la trajectoire elliptique annuelle de la terre tournant autour du soleil entraine une variation de la distance soleil/ terre. Ainsi, le 23 décembre, le jour solaire a 51 secondes de plus que le 16 septembre. Une montre en accord avec le cadran, un jour donné, verrait donc ses indications diverger de plus en plus de celles du cadran. Aussi a-t-on calculé un " jour solaire moyen " sur lequel on règle les horloges. Celles-ci, tantôt en avance, tantôt en retard sur le cadran se retrouvent alors en accord avec lui au bout de l'année.

A cette différence journalière entre l'heure solaire du lieu et son " heure moyenne " s'ajoute pour l'heure légale une différence systématique qui tient à ce que celle-ci se définit non par l' " heure moyenne " du lieu mais par celle d'un lieu conventionnel qu'on impose à toute une " tranche " terrestre (fuseau horaire).

Aux lecteurs qui désireraient approfondir le fonctionnement des cadrans (calcul des angles horaires, détermination de la date etc.), nous proposons l'étude détaillée de l'annexe 3.  

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