Les risques hydrauliques dans la vallée de l’Ubaye.

L’aménagement des digues dans le cadre de la protection contre les crues.

 

L'Association pour la protection de la Vallée de l'Ubaye (APVU), à la demande d'un grand nombre de ses adhérents et des membres de son bureau a effectué une démarche de demande d'information auprès de nos élus sur les projets dans la vallée pour se protéger des risques hydrauliques.
A Jausiers :
- Elévation de la digue rive droite(travaux déjà réalisés), aménagement de la digue rive gauche pour créer un espace d'épandage.
- Construction d'un accélérateur de débit au niveau du pont de la Salle des fêtes avec zone d'épandage rive gauche pour diminuer la vitesse d'écoulement.
A Barcelonnette :
Le schéma d'aménagement est encore à l’état de projet, projet qui ressemble beaucoup à celui de Jausiers (effet de voisinage, ou de bureau d'étude ?) .
Ce sont les deux digues (rive droite et rive gauche) qui seraient surélevées, avec une amélioration de l'état des berges "en enlevant les roches qui créent des remous" et la construction d’un seuil accélérateur au pont du Plan.
A la suite de ces rencontres nous avons pris l'avis de spécialistes, hydro-géologues, chercheurs et spécialistes du Cemagref (http://www.cemagref.fr), et consulté un certain nombre d'ouvrages et d'articles scientifiques traitant ce problème.
Ces différentes approches (des risques hydrauliques dans la vallée de l'Ubaye) nous conduisent à vous proposer quelques réflexions.


Les inondations : Risques et Protections.

Les inondations représentent 70% des risques majeurs. Les phénomènes associés, le transport solide de sédiments, les érosions qui en sont le corollaire, les affouillements sont particulièrement actifs. De plus, ces phénomènes ont été aggravés, ces dernières années, du fait de l’intervention humaine sur les cours d’eau et de leur modification.

Les Ubayens ont tous en mémoire les inondations de 1957 liées à la rupture des digues à Jausiers et à Barcelonnette, l’effondrement du pont des Thuiles, la rupture de poche d’eau au Chauvet (1956,1970, 1991) et dernièrement l’érosion et la coupure de la route de Maurin.

Ces événements montrent, à l’évidence, la puissance des eaux et les dégradations provoquées. Cependant, il y a d’autres phénomènes, moins spectaculaires, qui apparaissent lentement et dont les désordres se manifestent après quelques années, voire des dizaines d’années, mais qui représentent des coûts économiques de réparations très élevés et qui peuvent, si ces réparations ne sont pas effectuées à temps, conduire à des catastrophes majeures.

La ruine d'un pont ou la chute de plusieurs dizaines de mètres de digue sont devenues difficilement acceptables pour notre société. Les travaux de protection ou de consolidation doivent être prévus et réalisés en leur temps pour garantir la sécurité des ouvrages.
L'APVU soutient et apprécie les efforts de nos élus pour effectuer les aménagements nécessaires à la protection de la vallée. Cependant, pour que cette protection soit effective et efficace, il nous semble opportun d'émettre des remarques et parfois des critiques sur les projets qui préoccupent nos adhérents.


Situation de Barcelonnette et Jausiers.


Les agglomérations de Barcelonnette et de Jausiers, qui sont construites en grande partie dans le lit majeur de l'Ubaye sont particulièrement vulnérables aux inondations.

Les protections contre les crues consistent en l’élévation de digues, en la création de réservoirs et de barrages de débit; les buts étant de limiter les phénomènes d’arrachement et de reprise des matériaux, de diminuer la capacité de transport en dissipant l’énergie du torrent par l’abaissement des vitesses d’écoulement (Christian Deymier, Cemagref Grenoble, Les outils de génie civil dans la lutte contre l'érosion torrentielle, Géologie Alpine, Mém.h.s.n°15,1990). Ces techniques anciennes ont prouvé leur efficacité (particulièrement en Ubaye où les torrents du Bourget, des Sanières et du Riou Bourdous sont des références d'aménagement ). Néanmoins, ces protections peuvent être remises en cause par un développement de l’urbanisation sans aménagement spécifique, par les inconséquences des activités humaines réduisant les champs d’épandages ou barrant les vallées par des ouvrages d’art insuffisamment dimensionnés.

Un cours d’eau sur lequel on intervient va réagir; les ouvrages seront agressés et parfois mis en péril.

 

Considérations techniques.


Les fondations des ouvrages, ayant en moyenne un siècle à un siècle et demi (ce qui est le cas dans la vallée), sont particulièrement sensibles à l'évolution du lit et du régime d’écoulement. L’abaissement du lit diminue notablement la stabilité des appuis. Les enrochements de pieds s’enfouissent dans les alluvions affouillées et les protections deviennent instables. Ces enrochements doivent impérativement être maintenus dans la mesure où ils font partie intégrante de la fondation (Ministère des transports 1950).

L’augmentation des vitesses de courant va avoir plusieurs conséquences en augmentant le risque d’affouillement, en déstabilisant la tenue des enrochements de protection et en provoquant un charriage plus important. La vitesse critique de début de charriage continu, entraînant l’apparition de l’affouillement local (mise en mouvement des alluvions), sera plus rapidement atteinte (Guy Berthault, Polytechnicien, Fusion n° 81 Mai-Juin 2000).

Ce phénomène est fondamental pour déterminer les risques encourus par les ouvrages d’art. Dans cette épaisseur de sédiment, soumis au transport solide, il y a perte totale des caractéristiques mécaniques des sols et les fondations qui y seraient implantées s’effondreraient par disparition de leur force portante (ce charriage a conduit à la ruine du pont des Thuiles). Ce phénomène sera favorisé sur une section rétrécie de la rivière du fait de l’augmentation des vitesses de courant.

 

Quelles sont les solutions actuellement envisagées dans la vallée pour assurer le débit de la crue centennale, compte tenu de la présence de ponts qui limitent la section d’écoulement de l’Ubaye ?


A Jausiers.

A Jausiers, si l'ensemble du projet est techniquement cohérent, il est évident que sa réalisation, qui est en partie effectuée en ce qui concerne l'élévation des digues, risque de dégrader sérieusement l'environnement de la rivière et plus particulièrement au niveau du pont de la Salle des fêtes avec la construction d'un accélérateur de débit (large ruban de béton couvrant l'ensemble du lit sur une grande longueur en amont et en aval du pont). Le surcoût du déplacement de la Salle des fêtes et de la construction d'un nouveau pont est-il trop onéreux, étant donné le caractère exceptionnel et pour le très long terme de cet investissement ?


A Barcelonnette.


A Barcelonnette, une situation différente au niveau des ouvrages et de l'urbanisation doit être prise en compte :

Ce sont les deux digues (rive droite et rive gauche) qui seront surélevées; il n'y a pas de zone d'épandage possible en raison de l'urbanisation.
On envisage d'améliorer l'état des berges "en enlevant les roches qui créent des remous". Or les roches en question diminuent la vitesse du courant et servent d'enrochement aux digues anciennes ; la solution semble donc inadaptée compte tenu des recommandations faites par Jean-Pierre LEVILLAIN ( Les risques hydrauliques: inondations, érosions, affouillements. Bull liaison Labo P et Ch 150/151 juil-août/ sept-oct. 1987 Réf:3228)

Ensuite, il faudra "poser un seuil accélérateur au pont du Plan". Pourquoi ?

En fait, le pont du Plan récemment construit a mal été étudié et le résultat est catastrophique. Avec un pilier central et les poutres qui le constituent, il n'offre plus la section minimale d'écoulement de l'ancien pont qui avait supporté la crue de 1957.
En conséquence pour assurer le débit de la crue centennale, et rattraper cette erreur, la solution la plus évidente mais aussi la plus dangereuse consisterait à accélérer le courant pour compenser la diminution de la section d'écoulement. Cette solution est envisageable si, en aval, un champ d'épandage suffisant permet à la rivière de ralentir sa vitesse d'écoulement. Ce n'est pas le cas à Barcelonnette puisque, à l'aval du pont du Plan, l'Ubaye est endiguée sur plusieurs kilomètres et que de plus, la section des digues est réduite par rapport à l'amont.

On va donc créer des conditions d'accélération maximales à l'endroit où la crue de 1957 a été assez forte pour briser la digue rive gauche et créer le champ d'expansion qui lui était nécessaire en inondant le Plan.
Si le pont du Plan a été construit trop bas, ne rajoutons pas une erreur supplémentaire en construisant un accélérateur (qui évacue la crue au niveau du pont du Plan mais met en péril les digues anciennes qui protègent les quartiers ouest de la ville et sa principale voie d’accès).
S'il faut chercher une solution corrective, pourquoi ne pas ajuster la hauteur du pont lors des travaux d'élévation des digues ?

Solution onéreuse sans doute, mais dont il faut comparer le surcoût au coût d'inondations et de reconstructions des ouvrages, et particulièrement des digues anciennes, qui supporteront difficilement une crue centennale dopée par les derniers aménagements. N'oublions pas que cet investissement engage l’avenir et la sécurité des personnes.
Nous rajouterons à cette analyse technique des considérations environnementales et esthétiques.

Les digues, qui de mémoire d'Ubayen ont toujours été un lieu de promenade et de distraction (enfants, parents et pécheurs) seront définitivement défigurées avec un bétonnage du lit de l'Ubaye sur une grande longueur, au voisinage du pont du Plan (et pourquoi pas, mais cela n'est pas encore dit, aux ponts de l'Abattoir et de Bouguet ).
Vraiment, ce projet ne s'accorde pas avec l'ambition affichée d'une vallée accueillante, sécurisée et touristique.
Dans ces conditions, et malgré le travail des bureaux d'études, (l'exemple du Pont du Plan montre que l'on n'est jamais assez prudent) l'APVU demande l'application du principe de précaution : que ces projets soient soumis à l'examen des spécialistes du Cemagref . Ces derniers peuvent mettre à la disposition des autorités responsables leur rôle d'experts, à condition que nos élus en fassent la demande.

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